GUIDE DES BONNES PRATIQUES
pour une maternité sereine et végane
Végétarisme, végétalisme, véganisme… ce sont des termes que vous avez soit déjà entendus, soit pratiqués !
Mais quand il s’agit de grossesse, il semblerait que la tolérance soit moins importante…
Alors quoi de mieux que de demander à un experte en la matière bien vivre ces régimes alimentaires pendant cette période si particulière. J’ai donc demandé à Camille de Omni’to Vegan de nous en dire un peu plus.
Si vous voulez en savoir plus sur Camille, je vous invite à aller voir son site ou à la rejoindre sur ses réseaux sociaux.
Bien s’alimenter est évidemment important pour tout le monde, mais d’autant plus pendant une grossesse qui est une situation physiologique bien particulière, impliquant non seulement la personne enceinte mais également l’enfant à venir.
Le régime végétalien et le mode de vie végane sont souvent pointés du doigt, surtout en France. Risques de carence, idéologie, danger… Ça fait beaucoup parler ! Alors quand on parle de populations spécifiques comme les personnes enceintes, allaitantes, ou encore les enfants, alors là c’est le drame !
Il reste toutefois possible de mener une grossesse végane à bien, malgré l’absence de recommandations officielles spécifiques pour cette situation. Il faut suivre quelques règles et bien planifier son alimentation avec une complémentation appropriée.
I- Rappel des définitions
a) Que sont le végétarisme et le végétalisme ?
Le végétarisme et le végétalisme sont des régimes alimentaires.
Le végétarisme exclut la consommation de chair animale (donc pas de poisson non plus, ni « fruits » de mer), en revanche, la consommation d’œufs, de produits laitiers, de miel… reste possible (on parle alors également d’ovo-lactovégétarisme).
Le végétalisme exclut tout produit d’origine animale dans l’alimentation. Exit donc : chair animale (dont le poisson), mais également œufs, beurre, crème, lait et produits laitiers, miel et autres produits de la ruche, « fruits » de mer, crustacés, gélatine, additifs alimentaires issus des animaux… En revanche, être végétalien-ne n’exclut pas de porter du cuir ou de la laine par exemple, ou d’aller au zoo le week-end par exemple.
b) Qu’est-ce que le véganisme ?
Etre végane c’est ne pas encourager et participer à l’exploitation des animaux sous toutes les formes qu’elle peut revêtir, et ce, autant que possible (on insiste bien sur le « autant que possible car être végane à 100% n’est pas possible, chacun-e fait de son mieux !).
Donc au-delà d’une alimentation végétalienne, les personnes véganes boycottent notamment les cirques avec animaux, les zoos et les parcs type Marineland, les cosmétiques et produits d’entretien testés sur les animaux, les vêtements composés de matières d’origine animale (comme la laine, la soie, le cuir, l’angora…), la nacre, la corne… Bref, tout produit ou service ayant à un moment impliqué l’exploitation d’un animal. La liste est non exhaustive !
Donc pour résumer, les véganes ont certes une alimentation végétalienne, mais elles et ils vont encore plus loin pour ne pas exploiter les animaux en incluant l’habillement/les accessoires, les loisirs et les produits non alimentaires du quotidien. C’est un engagement profond, un acte militant et politique pour un monde différent et plus juste.
Cependant, les termes vegan/végane et végétalien-ne sont souvent utilisés de manière indifférenciée dans la vie courante, surtout en ce qui concerne l’alimentation. On parle souvent de recette « végétalienne » ou « végane » de la même manière. Il est juste important de bien saisir la nuance entre les deux !
II- Quels besoins spécifiques pendant la grossesse, et a fortiori en étant végane ?
Comme pour toute grossesse, les besoins énergétiques augmentent de 70, 260 et 500 kcal/j en moyenne aux 1er, 2e et 3e trimestres, respectivement (1). Une prise de poids est ainsi également normale et attendue.
Les besoins en certains micronutriments (minéraux et vitamines) augmentent également. En ce qui concerne les personnes végétaliennes pendant leur grossesse, voici les éléments sur lesquelles il faut apporter une vigilance particulière: vitamine B12, vitamine B9, iode, Oméga 3, fer, vitamine D, et calcium.
Voici pour chaque nutriment susmentionné les recommandations à suivre pour un régime végétalien, en prenant en compte la situation particulière qu’est la grossesse.
Vitamine B12 – cobalamine
En étant végane, les seules sources de vitamine B12 accessibles sont les produits enrichis en B12 et les compléments alimentaires. Ainsi, il est impératif d’assurer une supplémentation en B12 à toute personne suivant un régime végétalien. L’utilisation d’un complément alimentaire est vivement recommandée, surtout en France où les produits enrichis sont très rares, souvent insuffisamment dosés et dont l’utilisation exclusive est plutôt hasardeuse. La supplémentation est peu chère, fiable et pratique.
Posologies assurant un apport correct, plusieurs options :
- Quotidienne : 25 µg par jour
- Hebdomadaire : 2000 µg par semaine
- Mensuelle : 5000 µg par mois
Plus d’infos ici : la vitamine B12 et le véganisme, ce qu’il faut savoir.
Vitamine B9 – folates
La vitamine B9 a plusieurs rôles : formation de l’ADN, des globules rouges, fonctionnement du système immunitaire… Elle est donc cruciale pendant la grossesse qui est une période d’activité métabolique intense (il faut créer un tout un bébé quand même) !
Cette vitamine est essentielle pour la grossesse. En effet, un défaut d’apport en folates peut amener à une malformation du tube neural du fœtus lors des premières semaines de grossesse (« spina bifida »). Durant la grossesse, l’ANSES recommande un apport de 600 µg/jour (1bis).
Une alimentation végétalienne équilibrée est souvent assez élevée en folates. Cependant, une complémentation en folates reste recommandée surtout en période préconceptionnelle et durant les premiers mois de grossesse afin d’éviter tout risque.
En résumé : les recommandations sont les mêmes que pour les grossesses non végétariennes/végétaliennes !
Quelques sources alimentaires végétales intéressantes de folates (2) :
Aliment | Quantité de folates (en µg/100 g d’aliment) |
Farine de pois chiches | 437 |
Lupin | 355 |
Blé complet | 331 |
Graines de tournesol | 254 |
Epinards | 207 |
Lentilles | 181 |
Brocolis | 153 |
Asperges | 150 |
Laitue romaine | 136 |
Pois cassé | 119 |
Chou frisé | 101 |
… | … |
Iode
L’ANSES recommande un apport journalier d’iode de 200 µg/jour pendant la grossesse (1bis). L’utilisation de sel iodé au quotidien aide grandement ! Dans le cadre d’une grossesse, il est plus pratique de se fier à une complémentation en iode, qui sera bien dosée et régulière, plutôt que de compter sur les algues dont les taux en iode sont très variables et parfois très élevés. Si l’on souhaite malgré tout consommer des algues, il ne faudra pas dépasser une consommation d’une fois par semaine afin d’éviter un surdosage qui serait préjudiciable pour le fœtus.
Quelques sources d’iode : sel iodé et algues déshydratées riches en iode (attention au surdosage !) (3) :
Aliment | Quantité de folates (en µg/100 g d’aliment) |
Kombu | 340 700 |
Lichen de mer | 34 600 |
Wakame | 34 600 |
Dulse | 32 500 |
Haricot de mer | 14 400 |
Laitue de mer | 9190 |
Nori | 5100 |
Sel blanc iodé | 1860 |
… | … |
Oméga 3
Les sources suivantes sont riches en Acide Alpha Linolénique (ALA, dits Oméga 3 à chaîne courte) : lin, colza, chanvre, noix, chia et leurs huiles. Il a été suggéré dans la littérature scientifique de viser environ 4 g par jour d’ALA pour les véganes (4,5).
Les Oméga 3 ALA sont ceux qu’on retrouve principalement dans l’alimentation végétale. Les Oméga 3 EPA et DHA (dits à chaîne longue) sont fabriqués dans le corps à partir de l’ALA, mais à des taux bas. Ce taux de conversion peut être amélioré en :
- consommant assez d’ALA (les fameux 4g par jour),
- limitant les Oméga 6 (huile de tournesol, arachide…) et en maintenant un rapport maximum de 4/1 (Oméga 6/Oméga 3) dans l’alimentation.
Voici quelques repères pour atteindre sans effort les 4 g d’Oméga 3 ALA par jour (6) :
- Huile de lin : 1 cuillère à soupe = 7,2 g d’ALA
- Graines de lin : 1 cuillère à soupe de graines entières = 2,3 g d’ALA (il faut les broyer pour pouvoir en bénéficier)
- Graines de chanvre : 3 cuillères à soupe = 2,6 g d’ALA
- Noix de Grenoble : 14 cerneaux = 2,6 g d’ALA
- Graines de chia : 1 cuillère à soupe = 1,8 g d’ALA.
- Huile de colza : 1 cuillère à soupe = 1,3 g d’ALA.
Pour la grossesse, un supplément d’Oméga 3 DHA fabriqué à partir de micro-algues est aussi conseillé (200 mg/jour) (7).
Enfin, il vaut mieux aussi limiter l’apport en acides gras trans (margarines avec hydrogénation partielle des huiles) et acides gras saturés (huile de coco, palme…).
Fer
L’apport de fer recommandé par jour pendant la grossesse est de 30 mg/jour (8).
Le fer des présent dans les végétaux est sous forme non-héminique. Son assimilation est plus limitée que pour le fer héminique (présent dans les produits d’origine animale). Ainsi, pour optimiser son absorption, il existe plusieurs stratégies, principalement :
- combiner des aliments riches en vitamine C (ou autres acides organiques des fruits/légumes) avec des aliments riches en fer ; la cuisson des végétaux augmente également l’absorption du fer.
- éviter les aliments riches en tanins au cours du repas (thé, vin rouge, café…) qui limitent l’absorption du fer.
Pour booster ses apports de fer sans effet secondaire par rapport à certains compléments, on peut aussi utiliser un « Lucky Iron Fish » ! Il s’agit d’un lingot de fer que l’on fait bouillir avec quelques gouttes de jus de citron ou vinaigre dans ses soupes, eaux de cuisson de pâtes, riz… ou même dans son eau de boisson du quotidien. Super pratique ! Plus d’infos ici !
Et enfin, on peut aussi évidemment discuter avec son médecin de la nécessité d’une complémentation.
Vitamine D
Pour la vitamine D, les recommandations sont les mêmes que pour la population générale, à savoir une exposition au soleil (généralement insuffisante en France) et une complémentation adaptée.
Deux formes de vitamine D adaptées aux véganes sont proposées sur le marché : vitamine D2 (ergocalciférol, vitamine D non issue de l’animal) ou D3 (issue du lichen boréal). Lors de la grossesse, les apports recommandés sont de 15 µg par jour (soit 600 UI/jour) (9).
Calcium
Durant la grossesse, la référence nutritionnelle pour le calcium selon l’EFSA est de 950 mg par jour (10).
Pour satisfaire ses besoins, il faudra alors veiller à consommer de bonnes sources de calcium (plusieurs portions d’aliments riches par jour). Voici quelques sources de calcium adaptées pour les véganes :
Aliment | Quantité de calcium (en mg/100 g d’aliment) |
Graines de chia | 631 |
Tahini (purée de sésame) | 420 |
Amandes | 264 |
Graines de lin | 255 |
Eaux minérales riches en calcium | 200 à 550 (selon les marques) |
Eau du robinet | 28 à 160 (selon les régions de France métropolitaine) |
Tofus préparés avec des sels de calcium | 100 à 683 (selon produits) |
Figues sèches | 162 |
Laits végétaux enrichis en calcium | 120 |
Yaourts végétaux enrichis en calcium | 120 |
Chou chinois cru | 77 |
Chou kale | 72 |
… | … |
A savoir : certains facteurs empêchent le calcium d’être bien absorbé (oxalates, phytates, fibres…). La vitamine D au contraire améliore l’absorption. Il faut aussi savoir que le calcium des choux est très bien absorbé (65% pour le chou vert) ; le calcium du lait de vache est absorbé à hauteur de 32%.
Protéines
Pour atteindre facilement son quota de protéines journalier, le plus important est de manger à sa faim en variant les bonnes sources de protéines. Il n’existe pas vraiment de statut officiel concernant une augmentation de la consommation de protéines lors de la grossesse (11). En guise de repère journalier, on prend souvent 1 g de protéines par kilogramme de poids de corps (donc environ 60 g de protéines par jour pour une personne de 60 kg par exemple). On peut éventuellement augmenter légèrement ses apports en protéines au 2e et 3e trimestre si souhaité.
Un exemple pour atteindre environ 60 g de protéines par jour (6) :
- 2 tranches de pain complet : 7,2 g
- 1 cuillère à soupe de beurre de cacahuète : 4 g
- 200 g de haricots rouges en conserve : 10,4 g
- 150 g de pâtes de blé dur (crues) : environ 18 g
- 100 g de tofu ferme préparé avec du sulfate de calcium : 15,8 g
- 2 petites pommes de terre (environ 276 g) cuites au four avec la peau : 7 g
TOTAL = 62,4 g de protéines
A savoir : il n’est pas obligatoire de combiner céréales + légumineuses au sein d’un même repas, cela peut-être fait d’un repas sur l’autre !
J’espère que ces données et conseils seront utiles afin de mener de belles grossesses véganes en pleine santé ! Et en bonus, il faut aussi mentionner qu’il il existe des compléments multi-vitamines et minéraux spécifiquement conçus pour les véganes pour la période prénatale et qui peuvent être utiles. Voici quelques marques qui en proposent : Deva, Freeda, Rainbow Light, Country Life…
Attention : Il convient d’aviser son professionnel de santé lorsque l’on prend des compléments alimentaires !
Références :
- Dietary Reference Values for nutrients. EFSA. 2017. Page 12. Disponible à : https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/2017_09_DRVs_summary_report.pdf.
1bis) Les références nutritionnelles en vitamines et minéraux. Avis de l’Anses Rapport d’expertise collective, mars 2021. Disponible à : https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2018SA0238Ra.pdf
- Vitamine B9. Je Mange Végétal, ONAV. Disponible à : https://jemangevegetal.fr/vitamines/vitamine-b9/
- Avis de l’ANSES relatif au risque d’excès d’apport en iode lié à la consommation d’algues dans les denrées alimentaires. 2018. Disponible à : https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2017SA0086.pdf
- Omega 3 polyunsaturated fatty acids and vegetarian diets . Saunders, A. V., Davis, B. C., & Garg, M. L. 2013. Medical Journal of Australia, 199(S4). doi:10.5694/mja11.11507
- Actualisation des repères du PNNS : révision des repères de consommations alimentaires. ANSES. 2016. Page 16, section « Recommandations d’apport en acides gras ». Disponible à : https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2012SA0103Ra-1.pdf
- Base de données Self Nutrition Data. Disponible à : https://nutritiondata.self.com/.
- Should vegan women supplement with DHA during pregnancy? Greger M., 2016. Disponible à : https://nutritionfacts.org/video/should-vegan-women-supplement-with-dha-during-pregnancy/
- Fer. Je mange Végétal, ONAV. Disponible à : https://jemangevegetal.fr/mineraux/fer/
- Vitamine D. Je mange Végétal, ONAV. Disponible à : https://jemangevegetal.fr/vitamines/vitamine-d/
- Scientific Opinion on Dietary Reference Values for calcium. EFSA. 2015. Disponible à : https://efsa.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.2903/j.efsa.2015.4101
- Femme enceinte, allaitante ou avec un projet de grossesse. Vegeclic. Disponible à : https://vegeclic.com/professionnel-de-sante/recommandations/femme-enceinte-allaitante-ou-avec-un-projet-de-grossesse/
Merci encore Anne-Christine pour ta confiance ! J’espère que cet article aidera ton lectorat ! 🙂
C’est un sujet de plus en plus abordé. Se tourner vers plus de simplicité, moins d’impacts sur notre environnement tout en ayant une maternité au top 😉