Vivre votre maternité autrement

Lettre à mon homme sur la péridurale

Les inspirants, Naissance

Je sais que tu te demandes d’où me vient cette idée grotesque de ne pas prendre la péridurale. Pourquoi souffrir alors que c’est si facile de faire autrement ?

Tu as raison, il existe aujourd’hui un acte médical formidable qui permet de vivre sans douleur un accouchement. 

La naissance de notre enfant pourrait se faire comme dans les films : avec une maman bien coiffée, bien maquillée, tout sourire et un papa serein et souriant en train de prendre des photos.

Mais ça, c’est dans les films. C’est ce que que nous voulons en faire : un acte médical aseptisé, contrôlé, froid.Je sais qu’il est possible de vivre un accouchement autrement.

La péridurale reste un acte médical…

 avec tous les risques que cela comporte. C’est pour cette raison que je vais avoir rendez vous avec l‘anesthésiste un peu avant l’accouchement. Parce que ce n’est pas un geste anodin.

L’anesthésiste va injecter dans ma moelle épinière un mélange de produits analgésiques et anesthésiques (dérivés de la morphine et anesthésiques locaux). L’aiguille utilisée est tellement impressionnante qu’ils vont te demander de sortir…

Ce mélange va endormir mes muscles et à partir de ce moment la sensation de douleur n’existera plus… mais comme l’utérus (qui est un muscle aussi) va lui aussi avoir ce produit, il y a de grandes chances (ou de grands risques ?) pour qu’on m’injecte aussi de l’ocytocine de synthèse. Et le processus des interventions s’enclenche

Des études mettent en avant aujourd’hui des liens entre la péridurale et le ralentissement de l’expulsion avec recours aux interventions invasives (forceps, ventouse) (1), les césariennes et les hémorragies post partum (2). L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) relate même que « le nombre de césariennes a augmenté avec l’utilisation de l’analgésique péridurale, spécialement lorsque l’épidurale a commencé avant que la dilatation soit de 5 cm » !

Puisqu’il reçoit aussi directement ces produits, la péridurale a aussi des effets sur notre bébé : les nourrissons traités par ocytocine de synthèse présenteraient une augmentation d’effets indésirables multiples, en particulier une augmentation de l’admission en soins intensifs (3).

La péridurale a aussi des effets négatifs démontrés sur la qualité et la durée de l’allaitement.

peridurale
Et si la péridurale ne fonctionnait pas ?

Pour moi, il est aussi possible que la péridurale ne fonctionne pas « comme il le faudrait » et certaines femmes ont des sensations étranges bien plus difficiles à gérer que des contractions classiques (sensation uniquement dans une moitié du corps par exemple), sans compter qu’il peut y avoir aussi des effets secondaires après l’accouchement (maux de tête, de dos…).

Et puis, ça c’est un secret bien gardé mais la péridurale arrangerait bien les services de maternité… et si elle ne servait pas « seulement à soulager la douleur des femmes, mais à organiser et réguler le flux des patientes dans les structures hospitalières » ? (M. Arnal, doctorat sur le soulagement de la douleur lors de l’accouchement à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Ehess)).

Je ne veux pas prendre ces risques, ni pour notre enfant, ni pour moi. Je ne veux pas être un numéro alors que nous allons vivre « le plus beau jour de notre vie ». Je veux essayer d’enfanter autrement.

Je ne refuse pas la péridurale : c’est un outil médical important en cas d’accouchement difficile mais elle est aujourd’hui devenue une norme qui n’est pas justifiée. On nous la vend comme un idéal mais je veux rester libre de mes choix.

Je veux être respectée dans cet événement

Je souhaite être respectée dans mon corps.

Il est plus « facile » d’intervenir sur une femme « désensibilisée » que sur sur femme en pleine possession de mes moyens. Sans péridurale, si les professionnels de santé pratique une épisiotomie, j’imagine qu’ils auront vraiment posé le pour et le contre. Sous péridurale, la réponse est peut être plus facile et rapide puisque la femme ne sent rien.

L’accouchement n’est pas un événement passif et je vais avoir besoin de mobilité pour aider notre enfant traverser les détroits de mon bassin.

La douleur est subjective. Chaque femme la vit différemment et je ne sais pas comment je vais vivre cet accouchement. Mais je sais que l’accouchement n’est pas une étape insurmontable (sinon, l’espèce humaine se serait éteinte depuis longtemps !), à la condition d’être soutenue et de me sentir en sécurité.

Ce que tu verras et ce que je ressentirai au plus profond de moi sera peut être différent. Aie confiance en moi.

Je souhaite être respectée dans mes émotions.

Oui je vais avoir peur. Peur de ne pas y arriver, peur de mourir, peur de devenir follePlus j’aurai peur, plus j’aurai mal. C’est pour ça que j’ai besoin de ton soutien inconditionnel. J’ai besoin que tu me tiennes la main. Tout le temps. Que tu me masses. Que tu me dises que tu crois en moi, en mes capacités et que ce que je fais est bien. Je vais douter et j’ai besoin de toi.

Ma douleur peut être liée à des éléments extérieurs : la lumière, le bruit, le passage. J’ai besoin que tu sois le gardien de mon environnement.

Je ne veux pas passer à côté de l’essentiel : je veux découvrir ces capacités en moi qui me permettront d’aller au plus profond de moi, de découvrir mes capacités à enfanter, de devenir mère.

Si je doute de mes capacités à accoucher, j’ai besoin de toi pour retrouver confiance.

Je veux parcourir ma force, mon endurance, ma patience, mon amour inconditionnel pour cet enfant, ma confiance, mon courage, tout ce qui sera nécessaire dans ma nouvelle vie de Maman.

J’ai besoin de ta main pour me soutenir dans cette aventure.

Une récente étude qui a démontré que  « tenir la main d’un être aimé a pour effet de synchroniser vos respirations et vos rythmes cardiaques, mais aussi vos ondes cérébrales. Et plus vos ondes se synchronisent, plus sa douleur diminue… « 

C’est vrai que la péridurale pourrait me soulager sur le coup et peut être que je l’apprécierais. Mais je vais regretter après parce que je sais qu’avec du soutien, je peux y arriver. C’est à toi que je confie cette tâche de croire en moi, en mes capacités à devenir mère.

Fais moi confiance. Fais nous confiance. Ensemble nous y arriverons.

J’ai un système de soulagement de la douleur intégré : en me laissant faire sans intervention, mon corps va sécréter des endorphines qui vont soulager cette douleur et la rendre gérable.

Quand je serai dans ma phase de desespérance, rappelle moi que c’est la fin, que très bientôt j’aurai dans mes bras notre enfant et que notre nouvelle vie commencera.

Je vais entrer dans un autre espace temps. Je sais que ce n’est pas facile à comprendre et que cela peut paraître obscur, mais j’ai besoin de cela pour donner la vie. Le temps n’existera plus pour moi. Ces 30 secondes de contraction me paraîtront l’éternité. Plus rien n’existera autour de moi. Je vais devenir cette louve qui peut mordre et griffer pour sauver son bébé. N’y fais pas attention. Ce n’est pas contre toi. C’est que l’accouchement se passe bien. Que je lâche prise. Et je ne pourrais le faire qu’avec des personnes de confiance et j’ai confiance en toi.

Aujourd’hui en France, seules 20 à 30% des femmes accouchent sans péridurale. Elles sont bien plus à ne pas en vouloir mais faute de soutien, de confiance, beaucoup finissent par l’accepter.

C’est pour tout cela que j’ai besoin de toi, de ta confiance en mes capacités à enfanter.

(1) Etude de Kuth L., Haussman R. 2011 et Gonzales Mesa C; 2012

(2)  N. S. Saunders et al., « Neonatal and Maternal Morbidity in Relation to the Length of the Second Stage of Labour, » Br J Obstet Gynaecol99, no. 5 (May 1992)

(3) Tsimis, MS.; Buckley, AP.; Nero, D.; Laurio, A. Oxytocin usage for labor induction or augmentation and adverse neonatal outcomes. American College of Obstetricians and Gynecologists 61st Annual Clinical Meeting; New Orleans, LA. 2013.

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4 commentaires

4 Commentaires

  1. Coralie

    Bonjour ! C’est vrai que mon homme a fait beaucoup pour me soutenir. C’était un choix pris ensemble, on s’y est préparés mentalement… comme deux marathoniens ! Il pensais ne rien faire pour m’aider, alors que la simple sensation de ses mains sur mon dos me détendait.
    Alors, Monsieur, faites-nous confiance, on peut le faire. Vous pouvez le faire !

    Réponse
    • Anne-Christine

      Merci Coralie pour ton témoignage !! Nos hommes sont souvent désemparés. Ils ont besoin de savoir avant pour ne pas être pris au dépourvu le moment venu.
      Leur seule présence (à condition qu’elle soit sereine !) est un cadeau inestimable !

      Réponse
  2. Gabrielle

    Alala souvenirs…
    Et ce que tu dis sur le fait que la péridurale ralentis l’expulsion du bébé, j’en ai été convaincue car tout allait plutôt rapidement, et dès que j’ai eu la péridurale ça n’avançait plus. Mais personne m’a confirmé, c’était d’ailleurs plutôt l’inverse : « mais non tu te fais des idées ! » Du coup effectivement, ocytocine à forte dose et l’indélicatesse de l’équipe de relais qui nous disait : « allez allez ! on se remue ! »

    Je m’étais laissé le choix, je commence sans et on verra bien. Bon sauf que oui, j’ai eu peur de ne pas pouvoir supporter la douleur et que ce soit « trop tard » pour faire la péridurale dans de bonnes conditions.

    Une interne m’avait dit en arrivant : « Comme vous supportez bien la douleur jusqu’à maintenant (oui parce que des femmes avec le sourire alors qu’elles ont de grosses contractions on n’en voit pas beaucoup ici !), vous pourriez sans problème gérer sans péridurale. »

    Mais bon, j’ai eu peur, je n’avais pas confiance en mes capacités.

    Bon par contre, côté bébé aucun problème (visible), toujours allaitée à son 34ème mois et pas de sevrage prévu 😉

    En tout cas, si nous avions été aussi renseignés et confiants que nous le sommes maintenant sur mes capacités d’enfanter (ça a l’air d’être ton cas aujourd’hui et je te félicite !), j’aurais sûrement été plus loin sans péridurale 😉

    Partie remise pour N°2 ahah 😀

    Réponse
    • Anne-Christine

      Merci Gabrielle pour le partage de tes souvenirs ! La péri est souvent la seule solution que nous propose le monde hospitalier quand nous doutons de nos capacités… faute de temps pour nous rassurer et nous tenir la main. Je pense que ce devrait être la dernière solution à proposer, même si c’est parfois celle qu’il faut et c’est ok ! 😉

      Réponse

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